1.11.07

Horreur Malheur

L’autre jour je me demandais si un endroit où la justice régnait serait bon à vivre. Je ne pense pas vous savez, et c’est ça qui me mine. Il faudrait alors que l’on cesse d’être parfait, que l’on range le fruit. A quoi bon sinon. On viserait tout le temps juste. On serait de véritables machines. Tous les matchs finiraient par des matchs nuls. Je sais pas. J’ai du mal à saisir. Il paraît qu’il faut du piment dans une pizza. D’autres soutiennent le contraire. Faut-il du piment dans la vie. Faut-il un coquin hasard. Parfois un hasard cruel. Devons nous savoir tout contrôler ?

J’aimerais ne plus avoir peur d’affronter les démons que je dénonce chez les autres. Etre assez courageux pour aller défier mon voisin bruyant, en sympathisant avec lui tout simplement. Etre assez courageux pour appeler mes anciens amis. Etre assez audacieux pour voyager sans craintes et sans attaches. Je me plains de la vie, du fait que les gens sont des peureux. Mais je suis comme eux. Je suis comme ce type, ce prof de gym incapable de faire une galipette. Ce donneur de leçon qui ne les a jamais apprises. Je me sens trop seul pour faire un pas en avant. J’ai besoin qu’on m’accompagne.

En fait tout le monde doit voir l’injustice, même sans y penser. Dans "Les Bienveillantes", il arrêterait bien de tuer les juifs, de faire des horreurs. Il a des accès, des réflexes d’humanité, au sein d’action inhumaines, horribles. Tout le monde joue la carte de l’horreur consciemment, mais en se disant qu’on est pris dans le mouve, incapables de remonter le courant. On fait ce qui doit être fait, mais si on était seul à décider, on agirait autrement. On ne sait plus prendre le pouvoir à son compte. On a trop peur pour son intégrité, on est habitué à avoir peur pour ça. Comme dans l'expérience de Milgram, nous nous refilons des electrochocs entre nous. Car on nous dit de le faire, et que l'on voit ses voisins faire la même chose. Car nos valeurs actuelles respectent aveuglément l'autorité et l'importance d'être dans la conformité. Pourtant, nous souffrons tous émotionellement de faire du mal. Nous souffrons car cela va à l'encontre de nos aspirations les plus profondes.

On est tous pareil. Nous sommes tous des bons-hommes qui agissent en salopards. On voudrait héberger le sdf du coin, on voudrait stopper la faim dans le monde, on voudrait être exemplaire. Mais on ne le fait pas. Car on se sent en minorité. C’est comme si chaque atome de plutonium d’une bombe atomique se sentait seul et impuissant, insignifiant. Qu’est ce qui fait qu’ils vont s’embraser ?

Je voudrais la connaître la justification des bienveillantes. La justification de cette boucherie ambiante et perpétuelle. De tous ces viols psychologiques. Ah c’est sur, si on prend de la distance avec la vie, avec la réalité, tout ça est bien peu. Et l’amour, ça aussi c’est bien peu ?!
Je veux vivre, être heureux, encourager l'amour. Mais parfois un murmure s'impose à mes oreilles :
A QUOI BON.

A Quoi bon souffrir, à quoi bon mourir, à quoi bon être tué, violé, villipendé, insulté, torturé, martyrisé. L’amour ? Etre aimé ? Etre chéri ? Un cadeau tel que l’amour est inestimable certes, mais qu’arrive-t-il lorsqu’on vous dit le prix ? Si j’offre la plus belle des bagues à mon amour, va t-elle l’apprécier encore plus lorsqu’elle saura qu’elle m’a couté tant ?! Elle sera soit déçue, soit déçue. Déception du peu, ou déception du trop. Il n’y a pas de juste valeur à tout ça. Il n’y a pas, il ne doit pas y avoir de contrepartie au bonheur. Pas autant. Je ne peux pas être heureux de me fourvoyer. Je ne peux pas être heureux de risquer la peine. Le risque ça peut être sympa, mais tout est relatif. Le viol ? La torture ? Et si vous me dites que ce n’est pas si terrible, que cela n’est que la vie, que tout ceci n’est qu’imperceptible en face de l’immensité de l’éternel, de l’infini, de la magnifique grandeur de dieu, alors merde, comment voulez vous qu’on prenne au serieux la vie.
Je t’aime mais, si tu te fais tuer, je serais pas triste, puisqu’on est tout petit, et qu’il y a plus important.

Tout est relatif dites vous ?! Alors je mène ma vie de manière relative. Je ne peux pas prendre mon pied. Je ne pourrai le prendre que relativement à des bonnes personnes, des bons moments, des bons feelings, en toute spontanéité. Je ne pourrai plus planifier, me projeter. Je ne pourrai plus faire de plans sur une comète dont la forme, la trajectoire, l’idée même de son existence, me rend tantôt perplexe, tantôt empli de dégoût.

A l’amour j’y oppose le désamour, la rupture, la séparation. Mais à la guerre, aux viols, aux massacres, aux actes les plus violents et immoraux possibles et qui s’existent de plus en plus ici au fur et à mesure que l’humanité perd la raison, à tous ceux la, je ne trouve pas de contrepoids, rien, rien, rien. Nous avons un bras qui pèse infiniment plus lourd que l’autre et nous chutons inexorablement. Il y a des bonnes choses, mais on tend à les oublier. Des actes de bonté isolés, des sourires rassurants. Mais ils se font rares, si rares. Et c’est comme si, comme si ils profitaient de l’horreur ambiante pour exister. Comme si sans celle ci, ils n’étaient rien.

6.2.07

Humanimal

Il faut que nous naissions coupables, ou Dieu serait injuste. – Pascal.

On nait tous coupables. La religion nous imprime cette culpabilité. Nous seulement on a bouffé le fruit défendu, mais en plus on a buté le seul type bien sur Terre, le fils de Dieu. Il est mort pour nous vous vous rendez compte. Ok certes il est mort pour nous, mais plutôt pour nous innocenter non ?! Bla ! Certains hommes ont besoin de nous condamner avant même que l'on soit né. Cela adoucit nos moeurs et compartimente notre bon sens. On ne se pose plus de questions, et on obéit bien sagement aux règles du monde libre. Alors on nous explique d'abord cette culpabilité avec Adam et Eve. Une espèce de bande dessinées pour illettrés qui prennent ça au premier degré. Pourtant, cette histoire illustre justement notre condition.

Au début, l'homme vivait insouciant, au sein du monde animal. Il vivait de chasse et de cueillette. Et puis l'évolution s'est pointée, et on s'est mis à discerner le bien du mal. Ca nous est tombé sur le coin de la gueule. Comme si un chien se trouvait trop poilu, et décidait que lever la patte ça le fait pas. Alors on a pris conscience de ce qui nous entoure. De la vie, et surtout de la mort. Et ça, ça fout les glandes. Surtout quand vous savez que votre temps est compté. Alors on le vit mal. Très mal. Et on se dit qu'on a du faire quelque chose de mal pour mériter ça. On aurait mieux fait de rester ignorant et insouciant. On se dit que ce savoir, on l'a volé, on aurait jamais du y gouter. Et puis, il y a l'arbre de la vie. Celui la, on a pas pu y gouter du coup. Dieu nous l'a caché. L'enfoiré. La vie eternelle, on y a pas droit. Pourtant, on sait l'imaginer nom de nom. Et ça nous met dans une rage folle. On a les idées de Dieu, mais pas le bonus, le ptit plus qui fait tout. On a la Porsche, mais pas les clés. On est un bel étalon au petit kiki. Un imposant chateau de cartes. Alors on s'imagine punis pour avoir tenté de ressembler à Dieu. Oui, ça peut être que ça.

Et puis il y aussi quelque chose qui nous échappe. Quelque chose d'impalpable et d'incontrôlable. Parfois nous avons tous ce sentiment de ne pas être maitres de nos destins. D'ailleurs, nous avons inventé le mot destin. Nous avons le volant, mais parfois les roues vont ailleurs. Et nous ne savons pas si les évènements nous façonnent ou si c'est nous qui façonnons les évènements. Le libre arbitre nous donne le vertige. Le moindre crime doit avoir son coupable, car nous ne supportons pas l'idée de hasard. L'idée que nous ne contrôlons rien. Nous nous sentons tels des joueurs de babyfoot enchainés à la pointe de l'attaque. Nous marquons, mais nous sentons parfois quelqu'un tourner la manivelle.

Alors soit on est effectivement coupable, soit Dieu est une ordure de nous faire subir tout ça. Et admettre que Dieu est une ordure, c'est d'autant plus flippant. Cela reviendrait à traiter d'enfoiré le type qui vout tient en joue, vous et votre femme. Alors vous préférez giffler votre femme. D'ailleurs vous décrétez que c'est elle qui vous a foutu la merde en vous incitant à bouffer la pomme. La culpabiliser pour mieux la contrôler. Et puis vous allez partir en guerre contre votre voisin, au nom de dieu d'ailleurs. Bien qu'inconsciemment, c'est contre Dieu qu'on part en guerre. Nous partons en guerre pour le toucher, ou le dépasser. L'arbre de vie nous est interdit, mais nous allons tenter de trouver une alternative. On aura pas la vie éternelle, mais on peut essayer de monnayer la vie des autres et de créer des "super-vies". Et les sous-vies qui vont avec.

Et puis il y a aussi les autres. Les autres. Ces animaux. Certains hommes subsistent toujours en accord avec la loi de la nature et cet environnement hostile. Ceux que nous appelons les tribus primitives, les indigènes. Ceux que nous nous empressons de martyriser et d'évangéliser pour mieux les contrôler. Leur faire oublier qu'ils ont raison. Qu'ils ont cette folie de raison qui leur fait accepter d'être nus, si faibles et soumis aux maladies. Cette folie de raison d'accepter de se frotter aux serpents, d'affronter l'hiver et les aléas de la chasse. Nous, hommes modernes, les trouvons aujourd'hui sots de passer à coté des plaisirs de l'eau chaude, de la télévision, du karaoke et des playstation. Pourtant ces hommes sont heureux. Ces hommes ne sont pas régis par la croissance, par la soif d'accumulation de capital et le désir d'emprise sur cette vie hasardeuse. Non, ces hommes peuvent concevoir de manger à leur faim et de ne posséder que l'air qu'ils respirent. Ces hommes n'ont pas renié leur animalité. Ils acceptent la cruauté de la nature. Les enfoirés. Et c'est pour qu'on oublie qu'il est possible d'être heureux ainsi que depuis des siècles on les massacre. Et parfois, on les force à aimer nos idoles. A devenir eux aussi les sous hommes dont nos meneurs ont besoin.

Notre plus grand malheur, notre malédiction, a été un jour de réaliser la souffrance qu'implique la loi de la jungle. L'agneau dévoré, la gazelle pourchassée. On a tous pris peur devant tant de cruauté. Alors les plus peureux d'entre nous ont érigé un matelas d'oseille les séparant du monde primaire. Un matelas de sous-hommes les séparant du règne animal. On commence par cultiver, accumuler de la nourriture, s'approprier des terres. Puis mettre tout ça sous clé. Et les autres devront travailler, encore et toujours, à la sueur de leur front, pour ouvrir le placard à bouffe. Et surtout, on devra leur désapprendre à cohabiter avec la Terre. Quitte à la pourrir au maximum. A la fin, il faut qu'on soit hyper dépendant. Dépendant du dentifrice, dépendant de la voiture, dépendant de la fourchette, dépendant du tshirt ou du slip. On est plus des animaux. On a dézingué notre planète, puisé ses richesses, massacré les espèces, mais on est plus des animaux. Ceux d'entre nous qui ont menés cette lutte se prennent maintenant pour Dieu. Ils sont aujourd'hui en passe de réussir leur pari. La prochaine étape sera de nettoyer leurs excréments. Les innombrables déchets de l'usine à dieux. Tous les hommes-déchets qu'ils ont créés et qui tôt ou tard devront disparaitre, de faim ou de force. Parce que la croissance infinie, vous y avez cru ? A un moment ou un autre, il faut faire un reset. Mais tout le monde ne le subira pas de la même manière.

Aujourd'hui nous assistons à une bataille. A un rejet. Le rejet de la nature par les hommes. Le rejet des hommes par la nature. Comme une greffe qui ne prend pas. Nous ne pouvons plus revenir en arrière. Les dommages causés sont irreversibles. Mais avant toute chose, pour avoir une chance, nous devons rejeter ceux qui mènent notre barque vers la chute. Ceux qui nous incitent à braver les lois de la nature. Ceux qui dictent notre façon de vivre en monopolisant médias et gouvernements. Nous ne pouvons plus continuer notre guerre contre Dieu et son jardin. Nous ne pouvons plus continuer notre mutinerie. Il nous faut retrouver la raison, et signer l'armistice. Quitte à accepter notre condition de mortels. Quitte à accepter de vivre. Il doit y avoir un juste milieu. Repenser une société à visage humain. Une économie qui prend en compte notre milieu et qui est axé sur le respect de la nature et de tous les êtres vivants. Une économie qui récompense l'altruisme et l'interêt public, et non l'égocentrisme et l'arnaque.
Oui, nous avons passé un cap. Le cap du rejet. Nous sommes le cancer de la nature, nous nous développons au mépris de ses lois essentielles. Nous sommes entre deux. Ni animal ni dieu.

5.1.07

1984 now

Putain j’ai maté les infos deux secondes tout à l’heure… un truc de dingue… A la une, les repas de traditions de l’épiphanie. Putain quel scoop, on se fait chier sur Terre ou quoi ?! Ca y est, on a trouvé le sens de la vie, la solution à la famine ?
Non mais bon dieu de merde, qu'est ce que c'est que ce bordel ? Et ça va en s'empirant en plus ? Avant ça se cantonnait aux dernières minutes du 13h, maintenant c'est le sujet principal. Alors je vous raconte même pas le reste des infos. A la fin j'étais littéralement en phase de décomposition sur ma chaise. Et on appelle ça, donc, les "informations". Incroyable, on m'aurait menti ?

J'ai besoin d'une petite mise à jour. Alors, un magazine régional et gastronomique, on appelle cela les informations. Par contre, les infos, on appelle ça maintenant des sites internets alternatifs. En plus, on vous les sert plus, il faut aller les chercher, c'est plus rigolo. Dans le même genre, y'en a d'autres. Une fausse blonde qui chante ce qu'il y a écrit sur le prompteur, on appelle ça une artiste authentique. Un abruti qui parle pour rien dire on appelle ça un intellectuel. Les fonctionnaires on les appelle les fainéants. Les smicards à vie on les appelle les privilégiés. Et ceux d'entre eux qui se plaignent on les appelle les connards. Quant aux rentiers qui arnaquent et détruisent le monde on les appelle "innovateurs", "créateurs de richesse", "moteurs des énergies". Le démantèlement des bonnes conditions de vie, on appelle ça la modernisation. Les défenseurs des interêts des employés, on appelle ça les ringards. Le travail à la chaine on appelle ça la liberté. L'aliénation on appelle ça l'épanouissement. Arbeit macht frei, c'est pas nouveau pourtant ?!
Les gens les plus sectaires, on les appelle les VIP, et on les prend pour modèles. La droite on appelle ça la gauche. L'extrême droite on appelle ça la droite. L'extrême gauche on appelle ça les ploucs ou les barbares, c'est selon. Et le centre, on l'appelle pas.

Sinon l'invasion d'un pays et le bombardement de ses civils, on appelle ça sa libération démocratique. Guantanamo, on appelle ça le monde libre. Rien de changé par contre au niveau des dictatures totalitaires qui pratiquent le capitalisme d'état, on continue d'appeler ça le communisme, personne n'a rien remarqué depuis le temps de toute façon.
Et puis, les USA qui torturent, c'est pas grave, Dieu est OK, et ça a pas l'air de poser de problème au pape. La Chine c'est OK aussi ils nous achètent du matos. On commencera à se faire de la bile quand ils seront trop nombreux et qu'ils auront plus besoin de nous. Là, on se prosternera comme des cons. Le Rwanda c'est une petite sauterie qui a dégéneré (800000 morts tout de même, soit 4 tsunamis, mais dieu merci nous ne passons pas nos vacances la bas); le Darfour on sait pas ou c'est, mais le 11 septembre, alors ça c'est une catastrophe humanitaire sans précédent, complot d'un berger machiavélique caché dans sa montagne et de ses accolytes malfaisants armés jusqu'aux dents (cutters, coupe papiers, cure dents). Si si, on a retrouvé leurs passeports dans les décombres des châteaux de cartes, euh, buildings.

Vous avez remarqué comme les gens ont la mémoire courte ici ? On ré-écrit l'histoire. La France collabo devenue résistante de toujours. Le colonialisme devenu utile et généreux. Les voies du front national, honteusement acquises il y a quelques années à un président de region, ça avait fait un scandale monstre, on exigeait des démissions. Aujourd'hui la droite quasi-fusionne avec le FN sur tous les thèmes, mais tout le monde s'en fout. De toute façon c'est pas grave, ils sont dans le coup, les autres ils sont ringards. On a l'impression que c'est la pire chose qui puisse arriver au citoyen français aujourd'hui. Etre ringard. La ringarditude qui chie la honte.

Pour être dans le vent, il faut à tout prix adhérer à ce nouveau et génial courant de pensée, découvreur de formules magiques. Putain travailler plus pour gagner plus mais c'est GENIAL. Comment n'y avait-on pas pensé ? Oh pitain les autres comment vous êtes ringaaaaards !!! GENIAL. Bravo. C'est vrai quoi, 35h, c'était trop, vous vous rendez compte, j'arrivais presque à trouver du temps pour penser ?! Gagner plus tout court c'est ringard, gagner plus pour travailler plus c'est cool. Mais alors, les actionnaires, ils sont ringards ? Chut ! Les actionnaires sont hyper cools, ok ?

Moi je gagne même plus assez pour partir en vacances. Heureusement, ils ont trouvé la solution. Plus besoin de partir en vacances, on supprime les RTT. Argument fatal : à quoi bon des vacances si on peut pas se les payer. Logique non ? Certains cherchent pas plus loin et trouvent que oui. Tiens d'ailleurs, quand on aura plus de quoi se payer à bouffer, comment est ce qu'on nous supprimera la faim ?

Le travailler plus pour gagner plus, est la base même de la nouvelle logique par l'absurde insufflée aux gens, qui y adhèrent les yeux fermés. On a faim, on est attiré par les boites colorés, les slogans simples et accrocheurs, sans se douter qu'on va acheter des vieilles boites de conserve recyclées et périmées qui vont nous refiler la chiasse. Quelle arnaque.

Le monde a arrêté de penser. Enfin, le monde, je m'en fous, c'est hors d'atteinte depuis longtemps. Mais la France, merde. C'était bien comme pays. C'était bien comme endroit. Maintenant la France s'apprête à se faire violer. Se faire démanteler, sous les hourras. Des futurs SDF qui démolissent en choeur leurs baraques. C'est la modernisation qu'on vous dit. Tout ce qu'il y avait de bien ici va partir à droite, à gauche, vendus aux enchères. Ce dernier lieu de service public, de confiance (nouvelle définition : paresse, mammouth, déficit public), va maintenant se transformer en "marché". Etre payé pour servir, va devenir arnaquer pour subsister. Oui, c'est la loi du marché. Renier toute possibilité de confiance, de service rendu. Nier la bonté et l'altruisme, nier la qualité intrinsèque de tout individu. Notre volonté ne nous pousse plus, c'est l'obligation qui nous tire, qui nous traine et qui nous racle.
Le service est remplacé par l'obligation de résultat, et la confiance par la dette.

De toute façon, c'était perdu d'avance. Ces neo-alchimistes ont compris comment convaincre les moutons du bien fondé de leur formule magique, de leurs thèses si cools. Suffit de faire peur. C'est radical. Et la jalousie aussi pour courroner le tout. Suffit de pointer du doigt les "privilégiés" qui n'ont pas d'épée de Damoclès au dessus de la tête comme les autres qui n'ont pas su ou pu se défendre. Suffit de trouver les quelques mammouths, qui, dépités d'années de travail sans contrepartie positive, dépités de la nouvelle stigmatisation que les gens ont à leur égard, deviennent les symboles de la paresse légendaire des fonctionnaires. C'est une tactique bien connue, quand on affame un groupe de gens, il faut les monter les uns contre les autres, dire que certains mangent en cachette, promettre une récompense à un autre, etc. Au lieu de se solidariser, de regarder les gardiens se goinfrer, les prisonniers s'entretuent pour des miettes.

Les gens se reveilleront, petit à petit, mais trop tard. Car aujourd'hui les gens qui dénoncent la supercherie, qui mettent en garde, on les voit comme des oiseaux de mauvaise augure. Ils sont ringards. Je suis ringard, putain mais regardez moi ce plouc. Même mes amis me traitent de "gaucho". Quand je leur demande ce que ça veut dire ils savent même pas. Et je peux même pas leur rétorquer "droito", ça existe pas. Et si je dis "facho" on me prend plus au sérieux. Ils ont tout prévu ces cons-là.

Mais bon, les gens se reveilleront. Quand on devra payer une assurance service pack serénité pour être sur que sa lettre traverse le pays. Quand on assistera au tirage au sort de la CAF la samedi soir avant le loto. Quand leurs frais d'hopitaux leur couteront un bras. Et qu'au bout du deuxième ils n'en trouveront pas un de plus, même en travaillant plus. Quand le "travailler plus pour gagner plus" excédera les 24h par jour pour pouvoir s'acheter de quoi bouffer. On nous aurait menti ? Non, on aura vite fait de les distraire avec je ne sais quoi, les étrangers, le chômage, une guerre contre l'axe du mal, contre ces connards qui osent se rebeller de pas avoir à bouffer. Et de vouloir garder leurs deux bras. Deux bras ? Pouah les ringards.

Desfois je me dis que j'aurais aimé ne pas savoir lire. Rester un abruti notoire. C'est tellement relou de lire des trucs, des romans, de la "science-fiction", au chaud chez soi et de se dire naïvement, "ouf, ça n'arrivera jamais". Et puis aujourd'hui on assiste à tous ces trucs, on voit les gens suivre comme des moutons cette dictature de l'absurde. Voir des gens qu'on aime, qui nous ont appris tout ce qu'on sait, ses propres 68-ards de parents, croire des slogans, adhérer à des thèses, adouber les néo-cons et la novlangue d'Orwell. Ces mêmes parents, qui nous sermonaient avant qu'on sorte "fais attention, ne parle pas à n'importe qui, ne fais pas de bêtises, n'accepte pas les bonbons", qui m'exortaient à épargner, à préparer mon avenir. Ce sont les mêmes personnes qui aujourd'hui continuent à détruire le monde sans se soucier de demain, en acceptant les bêtises qu'on leur sert. Après nous avoir attachés, arnachés, ils nous ont emmenés dans leur course folle sans regarder le précipice vers lequel ils nous dirigent. Le voient-ils ? Ou l'ignorent-ils ? Aveugles ou criminels.
Quel gâchis putain, que de temps perdu.

4.1.07

Mortal combat

C’est dur de me prendre en défaut. C’est super difficile. Il faut que je me laisse aller pour ça. Mais c’est chaud, car je suis toujours sur mes gardes. Je calcule tout, tout le temps. Mes pensées, mes paroles, même celle qui ne franchissent pas le seuil de ma bouche. Je peux évaluer tous les risques, imaginer les conclusions de discussions éventuelles, déterminer si j’interviens ou pas, enfin, faire des tas de calculs, sans pour autant avoir l’impression de calculer. Des calculs de feeling quoi. Ce n’est pas fiable à 100%, mais on peut atteindre du 99.99%. Au contraire du calcul numérique. Qui lui, a l'air fiable. 1+1=2 ça ne fait aucun doute. Alors que le calcul d’émotions, de sentiments, d’impressions, de groupes et de sous ensembles de sensations, ça, c’est autrement plus chaud. Et pourtant, nous, les humains, on est super doués pour ça. On a une super machine bien plus super que n’importe quel processeur double-cœur. Notre magnifique petite cervelle de piaf. Celle qui nous dit aussi de nous entretuer.

La mienne calcule tout tout le temps. Mais alors tout le temps. C’est peut être pour ça que j’en place pas une. Pourtant j’aime la complicité, être de bonne humeur, sortir des blagues, charrier tout le monde. Mais l’ambiance du moment s’y prête rarement. Je suis de moins en moins de bonne humeur. A cause de mes soucis de santé, et des soucis en général. Tout me soucie. A commencer par le boulot. Ca m’oppresse tellement que desfois mes calculs s’égarent, et déterminent qu’en levant mon poing gauche furtivement, ce client finirait de m’emmerder relativement vite, ce qui me soulagerait dans cette journée d’un poids non négligeable.
Pas si bête finalement cette petite cervelle. Elle se défend c’est tout. Mais avec toutes nos cervelles réunies c’est tout ce qu’on a trouvé. Se défendre de cet environnement que l'on ressent comme hostile, en nous entretuant comme des cons. Chacun ramasse une mitraillette et tire autour de lui en beuglant. Faute de voir l’ennemi, on l’imagine partout.

Car il y a bien un ennemi, et il y a bien une guerre. C’est ce que nos cerveaux, et nos cœurs, ressentent. Ils nous ordonnent de nous défendre, de nous débattre, comme un chiot entrain de se noyer. Comme un rat de labo, entouré de magnifiques fromages, faisant son parcours journalier, mais se tapant des décharges toujours plus fortes, venues de nulle part. Au bout d’un moment il montre les dents, et le premier venu en aura la trace indélébile.

'Faudrait qu’on s’arrête tous de vivre pour emmerder dieu. On stoppe tous au même moment, et on lâche un bon « j’t’emmerde je fais ce que je veux ! ». Et on se met à rien branler. On dort tous pendant deux jours. On joue à la playstation. Ah la v’la belle ton existence, ta création. Des milliards de bœufs qui jouent à la console.
Et oui faut vous y faire. Dieu est injuste. Oh on est coupables aussi, car au contraire des p’tits rats de labo, nous on sait quand même à peu près que c’est pas ratounet numéro deux qui nous envoie une décharge électrique et que ça sert à rien de lui trancher la gorge pour ça. Et les p’tits rats de labo ils vont pas t’inventer plein de prétextes qui disent que c’est la faute à la première ratounette qui était trop gourmande et qui s'est laissé berner par un serpent qui parle.

Oui, on est trop proches de Dieu. On est des quasi-dieu. Regardez, on arrive à créer des mondes virtuels. Sans contraintes ni souffrances. On arrive à soigner des animaux, à réparer des « erreurs » génétiques. On peut transplanter. On peut atténuer des catastrophes naturelles. On est de plus en plus maitres de nos destins. Même si, à la racine du tout du tout, on est maitre de que dalle, y a encore ce gros malin qui tire les ficelles, bien que quelques unes se perdent en chemin. L’homme fera tout pour faire perdre ces ficelles. Il voyagera dans l’espace, se protégera des catastrophes, des météorites, de toutes les maladies. Maitrisera l’atome à 100%. Rallongera sa vie jusqu’à la rendre sans fin ?... C’est la que viendra son dernier challenge. Le boss de fin de niveau. La cage en elle même. Après avoir lynché tous les matons, 'faut se faire la malle. Creuser un tunnel. Le temps. L’espace-temps. Comme si des acteurs d’une cassette vidéo voulaient s’évader du magnétoscope. La lutte est vaine… nous ne pouvons pas sortir de nous même. Comme on ne peut pas poser une retenue hors de sa cervelle. Pour sortir, il faudrait sortir de nos corps. Sortir de la matière. On se fera peut-être la malle, mais, va falloir y passer pour en avoir le cœur net.