16.9.04

Pince-mi et Pince-moi

L’homme n’a pas le pouvoir. Il ne maitrise pas les événements. Il cherchera toujours des coupables à tous ses maux, car il veut ignorer le vrai coupable. Car reconnaître ce coupable, ce serait reconnaître le fait que l’homme n’a pas le pouvoir. Car ce coupable est aussi le bourreau de l’orgueil humain : le hasard. Or le hasard, c'est Dieu qui veut passer incognito.
L’homme veut le pouvoir à 100%, il ne supporte pas le fait de ressentir ce pouvoir, sans le décider, sans le maitriser. Comme un cheval indomptable, qui saute, se cabre, tape avec ses sabots. Se heurte à l’enclos. L'homme a le vouloir, et pense avoir le pouvoir, car il a la bombe, la cravache, les bottes, et semble tenir les rênes. C’est lui qui peut décider et qui sait diriger le cheval. C'est lui qui monte et qui nourrit. En considérant qu’il n’y a rien au delà de l’enclos, c’est lui qui fait que le cheval existe dans cet enclos.

L’homme veut le pouvoir. Il craint sa condition, il exècre le hasard, il hait dieu, tout en proclamant l’aimer, et croire en lui. Mais il le hait profondément. Il hait les cailloux saillants, il hait les parasites, les guêpes, les araignées, il hait les morsures, le vent, les inondations, il hait les catastrophes, il hait les imprévus. Car l’homme est capable d’imaginer l’inexistence de tous ses maux, et car il est capable de prévoir. Il hait qu’on lui impose ces maux. Qu’on l’angoisse. Mordra-t-il ? Mordra-t-il pas ? L’homme a peur. Il a la conscience du pouvoir, il voit les rênes du pouvoir sous ses yeux, mais ils sont impalpables, il passe au travers. Quelque chose lui échappe.

Pour compenser, pour inéxister sa peur, pour nier sa vulnérabilité, il cherchera le pouvoir. Sur les autres. Pape, banquier, roi, pdg, président, quoi que ce soit. Seul le pouvoir compte. Peu importe la haine, avec le pouvoir, je maitrise ma vie. Quoi de plus ? Encore plus de pouvoir. Après, je ne crains plus dieu. Du moins en ai-je l’illusion. Je semble maitriser tous les aléas autour de moi. Je fais un pied de nez à dieu. J’encule dieu. Je l’encule profondément, d’autant plus quand je file à la messe le dimanche matin. Je l’encule, car deux heures après, je m’empiffre à déjeuner, puis je fais ma sieste devant le grand prix, au chaud, et en sécurité dans mon salon, la ou personne ne peut m’atteindre.
Ces hommes qui ont peur finiront par créer un nouvel ordre mondial, afin de régner sur les faibles. Les forts impliquent les faibles, les faibles expliquent les forts. Les forts ont besoin des faibles, comme dieu a besoin des hommes. Le bien a besoin de mal, le bonheur a besoin de malheur, la richesse a besoin de pauvreté. La joie n’a besoin que d’amour.

L’humanité a perdu dieu, a perdu la vérité. Les puissants et leur société en sont les substituts. Comme tout substitut, il faut en changer. Car l’homme assimile, et il faut évoluer. Jusqu’à la limite, jusqu’à ce que ça ne passe plus. Auquel cas il faut faire croire à un renouveau en forme de purge universelle. Sinon tout se détruit. Avec un peu d’espoir, et un miracle, on peut espérer sortir de ce cycle, et faire embrasser aux hommes la vérité.
Les hommes n’accepteront dieu que si dieu les comprend et inversement. Les hommes accepteront que dieu prennent en charge leur milieu uniquement si ils ont confiance en lui. Uniquement si nous sommes sur la même longueur d’onde, et que celle ci s’avère être la seule possible. Il faut que les hommes aient confiance en dieu, et inversement. Seule une vérité absolue, seule une référence irréfutable, pourrait provoquer un tel changement, et le rejet du « pouvoir » humain. Il faut que l’homme soit rassuré sur son univers, sur sa nature, sur les projets de dieu, sur la mort, sur la souffrance, sur sa vie et ses actes. L’homme a tellement peur de tout foirer. Il se retrouve largué la dedans, avec quelques années de vie, avant de se faire bouffer par des bêtes immondes sous terre. Il se voit lâché la dedans, il sent tout le potentiel, mais n’est maitre de rien. Il subit, il souffre, il angoisse à mort. Et les années passent si vite. Personne ne lui dit quoi faire, personne ne lui donne de mode d’emploi. Pas de plan, pas d’issue de secours, rien du tout. Alors comme tous les autres, on se barricade, et on prend ce qu’on peut, comme dans toute panique, comme dans toute émeute. On pille, on braque, on se bat bec et ongles pour gratter quelques bouts de vie. On se bat, et on tente d’être maitre de notre destin jusqu’au bout. On veut tenir le plus longtemps possible, comme si notre vie était un navire entrain de sombrer. Les plus puissants tentent de gagner la poupe, et se battent pour être les derniers à grappiller une bouffée d’oxygène, une dernière. Et puis lorsqu’on sera tous à l’eau, on se coule, on s’agrippe à ce qu’on peut.
C'est la loi de la jungle, version humanisée. Le plus cruel survit, la peur éloigne le reste.
Seule la vérité changera tout ça.