13.12.06

Le coeur au bord des lèvres

Il faut que je m’exprime. Car sinon je tombe malade. Il faut que je fasse du sport et que j’écrive. Que tout cela sorte de moi. Il faut que ça cesse. J’ai des nausées, sans cesse. Des moments de panique, des sensations d’étouffement. Je suis dans un stress permanent, prêt à imploser. En fait j’implose tout le temps, mais n’explose jamais. Je vais pas trop mal à part ça. C’est la vie de tous les jours qui me stresse, et non mes problèmes perso, car je n’en ai plus beaucoup des problèmes. A part les petits tracas de monsieur tout le monde, le boulot, l’appart, l’argent... Et moi je suis dans un perpétuel état de gerbe, comme si j’allais me vider dans la minute, une minute qui n’est jamais venue. C’est comme vivre l’instant avant de mourir, c’est à dire la peur et la souffrance entremêlées. Ce court instant sensé être achevé par la mort salvatrice. Sauf que chez moi cet état dure une éternité et que je ne gerbe pas. Je me souviens plus du dernier moment ou j’ai vomi alors que j’ai des nausées tous les jours. C’est le stress et l’anxiété qui me mettent dans cet état. Je crois que je me rends compte que je suis coincé dans un boulot qui ne me plait pas, et, encore pire, dans une société qui ne me plait pas. Dans un monde qui ne me plait pas. C’est comme passer une soirée dans une boite enfumée et bourrée de cons avec de la musique de merde. On se sent très vite mal à l’aise. Sauf que là on peut pas changer de boite, on peut pas se casser du Monde. Alors ça me fout la gerbe. Ce matin j’ai du sortir du métro une station avant. J’arrivais plus à respirer et je me voyais déjà repeindre tous les gens autour de moi. Je vous raconte pas la panique. Mais ça c’est rien. Le pire c’est quand je suis assis à une grande tablée. C’est lorsqu’un festin se prépare que je suis au summum de mon incapacité à avaler quoi que ce soit.

En fait j’ai la flemme de faire un blog. J’aime bien m’appliquer et la j’ai pas trop le temps. Le boulot me prend la tête. Ca m’épuise. Je me sens esclave. On bosserait tellement mieux si la nourriture et le logement étaient gratuits. Qu’on ait pas le couteau sous la gorge et l’épée au dessus de la tête. Qu’on bosse pour des extras, et avec toute la bonne volonté du monde.
Tout ça est une question de pouvoir. Ce petit jeu perpétuel et absurde dans lequel on se fourvoie semaines après semaines jusqu'à la soixantaine. Aliénant, je prends toute la mesure de ce mot. Toute la journée. Faire de la lèche, pour espérer gratter 20 euros d'augmentation. Et 35 heures, c’est trop. Quand on est consciencieux, quand on taffe toute la journée, et qu’on fait bien son travail, c’est à dire, en y pensant, c’est trop. Je n’ai plus de temps et surtout d’énergie pour le reste. Je suis entrain de dépenser mon énergie, mon temps, et ma santé, pour quelques euros qui ne me servent qu’à me loger, dormir et me nourrir pour récupérer un peu d’énergie à re-dépenser pour la même chose. Pour des gens, des actionnaires, qui ont droit de vie et de mort sur toi. On est des putain de piles électriques. Des batteries rechargeables. Au service de quelque chose qui m'échappe.

Tout ça est une question de pouvoir. Le pouvoir, c’est la réponse à beaucoup des principales questions d’aujourd’hui. C’est à ça que se résume le sens de la vie pour la plupart des hommes. Car le pouvoir signifie la fin du hasard. Quand on peut, on est. C’est ça qu’on pense tous. C’est pour ça qu’on veut être riche. De toute façon tous ces cons finissent par crever un jour. Mais je suis sur que les plus puissants des puissants rêvent de transférer leur cervelle à volonté.Et pour avoir le pouvoir il faut avoir ses esclaves. Une grosse quantité. Plus y’en a et plus vous existez. Ils peuvent crever, on s’en fout, du moment qu’ils se reproduisent. Faut pas qu’ils soient trop exterminés non plus. Mais ne les aidez pas trop, sinon ils n’auront plus besoin de nous, et on aura plus le pouvoir.Quelle honte de mettre la bouffe sous clé. Quelle honte de dire que c’est le travail et l’effort qui sont les moteurs de l’humanité. Surtout que ceux qui disent ça sont des gros branleurs qui font tout pour être rentiers et ne savent manier que des mots, que des formes, sans jamais effleurer le fond. Ce sont ceux qui font du fric et toujours du fric qui s’affranchissent ainsi du travail en liant les autres.
Ya pas de faille, tout le monde y croit, même les plus désespérés. Même les révolutionnaires. Même les pauvres. Ils veulent tous être riches ! Et avoir le pouvoir à leur tour. Même moi je rêve de gagner au loto. Et je me gaverais dans mon coin, comme les autres, la honte en plus. Mais dans un sens ça peut se comprendre. Car la vie est une belle saloperie. Elle vous prend par surprise quand elle veut. Et le hasard est insoutenable pour des apprentis dieux. Pour des primates qui ont une cervelle de dieu sans en avoir les outils.

Alors c’est la guerre. Entre dieu, et les hommes. Dieu veut contrôler les hommes et les hommes veulent contrôler dieu. Appelons dieu la vie, le système dans lequel on vit, du big bang à aujourd’hui.Aujourd’hui, et de tous temps d’ailleurs, dieu peut se permettre de mettre une grosse claque dans le dos en forme de raz de marée, de piqûre de frelon ou de cancer à n’importe qui. Du dernier des salopards au premier des boy-scouts. Sans règle apparente. Comme un sniper qui tire au hasard au bazooka. En n’épargnant ni femme, ni enfant. Ni les vieux qui se prennent une bonne canicule dans la gueule, ni les mômes qui parfois ne dépassent pas la journée.Alors on nous dit de croire. Ouais, on veut bien croire. De même qu’on peut croire en l’amour, aimer sa copine. N’empêche que le jour ou elle se tire avec un autre par surprise on a le droit de maudire l’amour et d’être désespéré de se fermer à tout et de s’endurcir. Ca arrive à tout le monde. Prend toi une claque dans la gueule sans raison et me dis pas que tu vas la tendre direct sans appréhension. C’est même pas comme si t’y étais préparé. Comment veux-tu te préparer au pire ?! Moi je passe mes journées avec la gerbe au bord des levres en me préparant au moment où je repeins le mur ou les passants. Et c’est insoutenable. On ne peut pas vivre épanoui en angoissant perpétuellement. Les hommes, c’est comme ça. A chaque coin de rue ça peut se passer. Même quand tu dors. Mon frère, il s’est fait shooter par un caillau de sang et il a failli y rester bordel. Autant si on savait à qui on avait affaire, on pourrait s’adapter. Tu rentres chez un truand, tu es sur tes gardes. Tu rentres chez l’abbé pierre, tu te détends. Mais la, on est chez quelqu’un, qu’on nous dit le père de toutes chose, le bien absolu, qui prône le pardon, blablabla, et qui shoote impunément femmes et enfants, d’ou qu’ils viennent, où qu’ils soient. Ok, soit. Mais qu’on nous file pas la connaissance du bien et du mal. Laissez nous rester des abrutis notoires et on calculera même pas notre sort. On vivra comme des vaches à brouter toute la journée et la tu pourras nous en coller à volonté des ruptures d’anévrisme, sans qu’on bronche, sans qu’on se stresse avec toutes ces religions, armes nucléaires, capitalisme et tout le toutim. Comment accepter de monter sur une scène de théâtre et de bien jouer son texte lorsque l’on sait que les spectateurs sont tous des snipers ?! Comment accepter l’importance des sentiments et des émotions, lorsque la douleur et la terreur existent.

En ce moment je lis "Les Bienveillantes", et ça me tue. On a envie de fermer le bouquin à chaque page. Toute la violence qu’il contient, mais qu’on connaît déjà, qu’on imagine volontiers même… On s’attend pas à la voir étalée la, sous nos yeux, au sein d’un prix Goncourt. Comme un fantasme qui se réalise. On a envie de mourir. De faire la queue et d’attendre d’être allongé sur le ventre, avec les autres. Et on attend qu’un SS nous tire une balle dans la nuque, en espérant qu’il ne rate pas son coup. Je sais plus comment, je me suis retrouvé à lire le récit du massacre de Nankin, en 1937. C’était en me renseignant sur le communisme. Je voulais comprendre pourquoi ça marchait pas. Alors j'ai lu des articles sur Karl Marx, et la Commune de paris. De la Commune de Paris et sa semaine sanglante, il y avait un renvoi vers le massacre de Nankin, comme faisant partie de la catégorie "massacres" de Wikipédia.
Putain mais j’étais pas au courant. 300000 morts, 20000 femmes violées. Par les japonais, que j'ai toujours identifiés en victimes inoffensives, atomisés qu'ils furent par la suite. C'est le schéma qu'on nous inculque, il y a toujours des bons et des méchants. Des bourreaux sadiques et des victimes. Et ces victimes, à Nankin, ils ont fermé la ville, et l'ont violée, dans tous les sens du terme, en visant essentiellement les civils. Si seulement cela n'avait été que des éxecutions sommaires... Or ce fut essentiellement des tortures, viols et actes défiant toutes les lois de la raison et de l’existence. Par des jeunes recrues de l'armée. Des jeunes hommes loin de chez eux, qui s'attaquent à des civils. Un occidental n'aurait même pas été foutu de reconnaitre un chinois d'un japonais. Alors qu'est ce qui les différenciait à ce point pour que les uns veuillent réduire en pantin ou en poussière les autres ?

Un seul jour de ces semaines justifie la fin de l’humanité toute entière. Aucun baiser, aucune romance, aucune bonne action ou sacrifice ne justifiera jamais ça. A la sortie de l'école, on a l'image d'une guerre héroique, victoire du bien sur le mal. On connait les récits insoutenables du massacre des juifs. Mais le reste, on zappe, comme si ça sortait du domaine de l'acceptable. Car après, on sort du schéma bon et méchant. Car même les ricains, l'axe du bien, s'y est mis. La bombe atomique n'est pas l'épisode le plus glorieux de l'histoire. C'est horrible. Lisez les témoignages, les récits des jours qui ont suivi les deux bombes. Encore une, on aurait pu comprendre la soif d'expérience, la curiosité morbide. Mais deux, c'est du sadisme. Ils ont aussi remis ça au Vietnam, à coups de napalm où en faisant des petits "Nankin". Cela a eu si peu d'effet sur les consciences.
Car il ne faut pas que les gens se disent que l'axe du mal peut être chez soi. Même quand on leur dit, quand on leur soumet les évidences, ils l'ignorent. Sinon tout s'écroulerait dans leur tête comme deux buildings en châteaux de cartes. Alors il faut identifier un coupable et le déshumaniser coute que coute. Qu'il soit, loin, si loin de nous et de notre mode de vie immaculé. Aujourd'hui un berger machiavélique terré dans sa grotte. Durant la seconde guerre mondiale, ce fut Hitler la bête sanguinaire. Pourtant ce n'était qu'un homme. Comme vous et moi. Comme les soldats japonais ou américains. Un connard, une ordure sadique, un pur produit de la saloperie humaine. Reste le mot humain. Ce type, il a eu des parents, il a eu des amis. Mais la vie l'a mené à devenir le pire criminel de l'histoire. A Nankin, des jeunes gens, des ados japonais, se sont mis à violer et torturer des gens, des civils, durant des semaines. C'est pas comme si c'était un accident.
Moi aussi, j'ai peur de me demander ce que j'aurais fait à leur place. Ca me fait peur à m'en fiche la nausée.

Pourquoi on nous apprend pas Nankin à l’école ? Pourquoi on nous apprend pas la Commune ? Le communisme, c’est galère d’apprendre des trucs dessus. En sortant du lycée on a l’impression que c’est une secte satanique qui a rendu fou les méchants russes et dont les gentils américains essayent de nous délivrer. Et puis en se renseignant un peu on admet que c’est un concept humaniste, détourné par des tyrans. Staline était autant communiste que Bush un défenseur des libertés.
Le communisme n'est peut-être pas applicable, mais on peut tout du moins se pencher dessus, en apprendre les bases pour trouver un compromis, un juste milieu ? On a l’impression que Big Brother fait notre éducation en nous apprenant son mode de vie et pas un autre, en omettant des épisodes essentiels. On nous dit que le marxisme a tué des gens mais on nous raconte pas le massacre de 30000 communards au beau milieu de Paris pendant leur révolution qui était plutôt peace & love... un vent de liberté qui se termine en bain de sang. Leurs voisins d’arrondissements, des français qui massacrent des français, en s'alliant avec l'armée d'occupation allemande ! Une fête qui semblait donner tout son sens à la devise française : liberté, égalité, fraternité. Les nantis d'alors ont voulu rajouter le mot "massacre". Et ils se sont donnés tellement de mal, comme si ils avaient eu la peur de leur vie à l'idée de perdre leurs privilèges et que des pauvres gens puissent, pour une fois, échapper à leur contrôle. A chaque épisode similaire dans l'histoire, ces gens-là se font massacrer avec une ardeur, un acharnement hors du commun. Ainsi on a toujours préfèré financer des dictatures, au vu et au su de tous, plutôt que de risquer voir émerger un régime communiste. Regardez comment Chavez, élu par le peuple, s'est fait déboulonner par quelques tocards grace à l'appui scandaleux des américains. C'était hier, au sein de notre monde libre, et tout le monde s'en fout.

Il est devenu trop fatiguant de réapprendre, de chercher l'information. Il nous est presque interdit pour nos flasques cervelles de penser et d’aller contre toutes les conneries médiatiques et cinématographiques dont nous sommes gavés. Je veux pas partir en guerre contre tout ça, le capitalisme dans sa forme actuelle je le sens pas, c’est tout. J’aime bien mon pc, internet, les technologies actuelles, les films à effets spéciaux. Certes. Mais j'aime pas les marques, la concurrence, la langue de bois langue officielle du capitalisme, à base de mensonges, publicités, faussetés. On apprend à dire le contraire de ce que l'on pense, et à se méfier de tout. C'est de l'anti-vie et ça me fatigue.

Ce qui prévaut maintenant, c'est la mise en avant de soi, l’égoïsme, et la manipulation de ceux qui refusent ce fonctionnement absurde, contre-nature. Je n'aime pas le pouvoir que cela inspire à ceux qui réussissent à ce petit jeu. Au lieu de tirer tout le monde vers le haut, on se tire dessus, on s’agrippe à ce qu’on peut pour monter, sachant qu’il ne peut en rester qu’un. Et ceux en bas crèvent. Ce sont les plus nombreux. Le capitalisme d'aujourd'hui perpétue un massacre silencieux et insidieux sous le masque de la liberté et de l'échange. Il légalise l'éscroquerie et le pillage. Il met la population à sac et détruit notre environnement. Il commet des millions de crimes envers les générations à venir.

Il faudrait repenser le capitalisme. Il faudrait penser tout court. Il n’y a peut-être pas de société parfaite applicable à l’homme, auquel cas le capitalisme serait « la moins pire ». J’en sais rien. Je voudrais me pencher sur la question. Je voudrais penser pour ça. Il faudrait repenser notre mode de vie mais notre mode de vie nous interdit de penser. La société de consommation nous interdit de penser. Elle comble notre temps de cerveau disponible. On ne peut pas changer de boulot et penser. On ne peut pas être épanoui et penser. On ne peut pas être intégré et penser. On ne peut pas se délecter de cette vie et penser. Penser nuit gravement à la santé de l’homme moderne. Penser me brule l’estomac, me fout la diarrhée. Penser me fout la gerbe, penser me donne envie de tout repeindre de mon vomi.

7.4.06

Soupe de grenouilles

C’est très difficile de se faire un avis, de savoir ce qui est vrai et qui est digne de confiance. Parmi les dogmes, les courants de pensées, les théories du complot, les informations. Car même les médias officiels se permettent de manipuler les gens. Les journalistes sont toujours plus mielleux, annoncent les nouvelles les plus graves avec un sourire chaleureux, et flattent les responsables de nos maux. On a l’impression qu’ils deviennent de simples rapporteurs de la bonne parole. Des brosseurs de poils, mais dans le bon sens. Certains auraient pu être toiletteurs pour chien.

Alors forcément, dès qu’on s’éloigne de la bienséance, en regardant des "théories alternatives", on passe pour un con. Et en même temps, ça peut se comprendre, elles sont tellement mal ficelées. Les sites contestataires sont souvent consternant. De manière générale, il semble que personne ne veuille faire un travail sérieux de contestation. Par exemple, actuellement la situation actuelle est du pain béni pour les syndicats, mais leurs dirigeants ne réagissent pas. Ou alors ils grommellent en utilisant des slogans préhistoriques, qui ne touchent plus le même public. Ils ne s'adaptent pas. Pourtant il y aurait de quoi faire ?! Leur inaction ou leur curieux (complice ?) manque d'ardeur favorise l'acceptation des gens d'une situation qui est plus que merdique. Cela encourage les gens à rester de marbre quand on les maltraite. L'étiquette beauf-ringard-prolo scotchée aux syndicats n'aide pas. Car ici, être ringard c'est pire que la mort. Pour être dans le coup ces jours ci, il faut être libéral.

Les syndicats sont muselés, ridiculisés, ou inactifs. Ils ne font plus rien. La gauche non plus. On se scandalise du nombre de congés des français alors qu'on rêve tous que de ça, partir en vacances. On critique la gauche, sous les ordres des riches people qu'on voit à la télé. On se dit qu'il faut penser comme ça. Et qu'un jour, nous aussi on pourra avoir une belle voiture et un bronzage parfait. C’est à croire qu’il n’y a pas de pauvre dans ce pays. Ils sont pourtant en écrasante majorité. Mais ils ne votent pas. Car les médias ont cessé de leur parler. Ils ont obtenu l'abstention des pauvres, qui se reconnaissent si peu en la société toute puissante et implacable reflétée par la télévision. Ils se sentent en minorité et ne vont donc plus voter, c'est perdu d'avance. Et puis l'individualisme prôné a eu raison des plus faibles. Ils préfèrent se cacher ou se taire. Les médias désormais régis par de riches intérêts privés se garderont de réveiller ce sentiment de force et d'union de cette majorité passive et silencieuse.

Journaux et télévisions ne parlent plus qu’à mes parents, aux retraités de la Côte d'Azur et de l'Ouest Parisien. Mon père pense que les banlieues sont mal famées, que le chaos est aux portes de Paris. On vit à quelques kilomètres l’un de l’autre mais c’est comme si tout un océan d’incompréhension nous séparait. Ils vivent dans un ghetto pour riches, ou rien ne peut les atteindre, et ils se sentent en insécurité. La faute au journal de 13h, qui les endort avec les traditions régionales de leur enfance, et du 20h, qui les réveille en sursaut avec je ne sais quel acte odieux perpétué par une bande de jeunes sadiques. Mais vous inquiétez pas, notre futur président-sauveur nous en débarrassera, signez ici svp.

Même les pauvres voteront pour lui. On décide pour eux si telle ou telle personne vaut le coup. Si tel ou tel sujet mérite d’être entendu. Des faits divers, il y en a partout, à tout moment, et de tous temps. Mais il suffit d'en sélectionner judicieusement quelques-uns, à des moments opportuns. Ainsi en 2002 on a eu deux candidats dont personne (ou si peu) ne voulait au second tour des élections, à cause de quelques reportages bidonnés aux infos sur le sadisme de jeunes racailles. Si les médias daignaient parler des salariés intimidés et harcelés quotidiennement, du pouvoir d’achat qui a fondu depuis l’euro, des profits des actionnaires qui explosent au détriment des salaires, et surtout le truc qui me rend dingue, si quelqu'un osait parler des "anomalies" du système monétaire mondial et de la création monétaire ? Si les journalistes osaient réapprendre leur métier et faire un travail d'investigation, si les médias en parlaient comme il se doit, tout s’arrêterait !

Or la libéralisation du marché a permis aux gens proches du pouvoir de possèder la quasi totalité des médias et d’avoir micro ouvert sur le monde. Les intérêts privés ont étouffé l'intérêt public. On ne se tire plus vers le haut. On s'écrase. La science fiction rejoint la réalité, dans l'indifférence la plus totale. C’est l’argent qui gouverne tout. Ce sont toujours les mêmes qui peuvent accèder au pouvoir. Ce sont ceux qui ont les moyens de payer une campagne présidentielle, ou bien qui ont les "amis" nécessaires à un tel financement. Et qui bien évidemment auront des contreparties par la suite. Ne me faites pas croire que des généreux donateurs vont vouloir oeuvrer pour les miséreux de la France d'en bas en faisant élire un candidat de "droite dure". Si dure putain j'y crois pas. Je connais tellement de gens qui vont voter pour lui c'est cauchemardesque. Et en face on va nous mettre des mous du genou. Forcément, y'aura pas d'alternative. Pire ou pire, le choix est cornélien. C'est à croire qu'on sabote ou qu'on achète le silence de toute forme d'opposition consistante.

Notre plus grande faute est de laisser des privés accumuler les pouvoirs. Le pouvoir des armes, de l'argent, de l'alimentation, de l'information. Tout finit par être racheté par les mêmes. Et les gens applaudissent, se mettent à la mode du libéralisme. Ils écoutent attentivement ses leaders si séduisants qui leur promettent monts et merveilles. Ils se mettent eux aussi à dénoncer les dérives du service public. Les privilèges des fonctionnaires. Les mots durs des journalistes gauchistes qui contrôlent la presse. Oui, ils arrivent à croire ça aussi. Ils croient dur comme fer que nous allons vers le meilleur des mondes. Et que ces gens qui nous dirigent feront preuve de moralité. Pourtant, dans les faits, entre nous, gens d'en bas, ce n'est pas vraiment un climat de confiance : on se dévisage, on s’ignore, on se méfie du moindre petit jeune basané, on espionne son voisin, on se jalouse et se dénonce. Mais les golden boys, ah non, eux ils sont au dessus de tout soupçon. On leur donne les yeux fermés les clé de notre garde-manger, notre voiture et notre maison. Bientôt on leur filera les clés de nos corps, ils gèreront nos organes pourquoi pas.

Bientôt ces gens qui accumulent tous les pouvoirs pourront décider de couper l'eau chaude, l'eau froide, l'électricité, la voiture, la médecine, tous ces trucs auxquels nous sommes accoutumés. Nous aurions du nous battre pour un service d'intérêt général. Malheureusement nous avons ringardisé et diabolisé toute forme de défense et de solidarité collective. La liberté, l'égalité, la fraternité, la marseillaise, tout ça n'existe que le 14 juillet, le temps d'un feu d'artifice que nous ne comprenons pas. On apprend dans les bouquins d'histoire que la révolution française nous a libérés de la monarchie absolue, de la concentration des pouvoirs. On vous dit qu'on est dans le monde libre. Mon cul. C'est un monde qui n'a de libre que le nom. Il est aussi libre que les freedom fries. Il rend libre la dictature et renomme la monarchie en république.

Le libéralisme débarque en force en France. Et ça va plaire. C'est dans le coup. On nous a tellement persuadés que les pauvres sont des ploucs qui méritent leur sort. Que le socialisme rend pauvre, ringard et dangereux. De toute façon dans libéral, il y a liberté, donc c'est bien non ? Dans l'immédiat, les gens sont attirés par les beaux slogans, les jolies couleurs des publicités, les modes des grandes marques, car ça brille, c'est beau, c'est jeune, c'est dans le coup. On veut sa chance de faire fortune, de rester jeune et dans le coup. On veut notre droit d'accès au luxe, montrer patte blanche à logos LV. Quand on a, on est, se dit-on. Alors nous voulons avoir tous ces trucs chouettes, nous aussi.
On se dit que ces hommes politiques ont raison, que la privatisation, le marché, la concurrence, c'est bon pour nous, c'est bon pour la relance économique, et donc pour moi.
Mais bordel suis-je le seul à constater que la valeur de mon porte monnaie fond à vue d’œil ?! Je pars plus en vacances, je peux plus. Je m’achète plus rien. Et le hard-discount, je suis le seul à trouver ça dégueulasse ?! Est-on obligé de bouffer de la merde qu'on se procure dans des hangars miteux ? Avant c'était pas le cas. J'allais aux mêmes endroits que les autres et je me nourrissais comme eux. On a l'impression qu'on repousse les frontières. Le luxe atteint des prix vertigineux, comme un club privé aux droits d'accès décourageants. Et la pauvreté devient repoussante, crade, honteuse. Lafayette Gourmet contre Ed l'épicier.

Suis-je le seul à constater que l'Europe est un vaste traquenard économique sous couvert d'union, d'échange et de liberté ? Encore une fois, on confond liberté des hommes, et liberté du marché, sans se rendre compte que dans les faits, ce sont deux concepts qui s'opposent intégralement. Depuis quelques années, un smicard ne vit plus, ne se divertit plus. Il survit. Dieu merci on peut encore télécharger de la musique. Mais ces ordures font tout pour empêcher le téléchargement en restant à l'âge de pierre du disque. Ca me conforte dans l'idée qu'on est dirigé par des nuls. Ils n'ont pas vu internet, ils ne voient rien arriver. Ne s'adaptent pas. Ne sont intéressés que par le fric et le contrôle des gens du dessous via leur business. Comme les pétroliers qui veulent garder leur monopole en étouffant les énergies libres. Et les fabricants de tabac qui font tout pour cacher la nocivité des cigarettes. Avec la complicité de l'Etat biensur qui en profite pour nous culpabiliser avec indignation et surtout taxes rentables. Si elle vous plait pas la cigarette, puisqu'elle est dangereuse à en placarder des photos de poumons sur les paquets, interdisez-la bon dieu ! Bridez les voitures ! Sacrilège ! C'est pas bon pour le marché tout ça. Le sacro-saint marché. On préfère brider les hommes plutôt que les entreprises et les machines. Desfois j'aimerais qu'ils aillent jusqu'au bout de leur idée et qu'ils foutent des photos de cormorans englués sur les stations service. Ou sur les portières de bagnole. Pourquoi pas des photos de petites filles accidentées de la route ? On y viendra. J'aimerais surtout des posters de SDF et de morts de faim devant la Bourse. Et à l'intérieur, à côté du CAC40, un décompte du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté. On l'appelerait le CAC4Milliards.

Tel un jeune con sans le sou, je télécharge de la musique. Je suis un pirate, je commets le crime diabolique de persister à m'évader en chanson. Je suis une ordure, un voleur, on le crie aux infos, et vous en êtes progressivement persuadés. Je vole les artistes. Je mérite la prison parce que je télécharge quelques méga octets mal encodés qui ont le tort d'adoucir ma vie. Gratuitement. Pour certains, la gratuité c'est pire que le vol. La gratuité c'est le pire des crimes car ça exprime la fin de leur petit pouvoir, de leur si précieux marché. De leur business chéri. Désolé de pas pouvoir claquer 20 euros dans un cd qui ne sera pas lu par mon pc. La faute aux super protections mises en place par les "défenseurs de l'art". On a l’impression que c’est marche ou crève, et que rien ne doit nous divertir. Seuls les riches ont droit aux divertissements et aux vices, ce sont maintenant des privilèges.
Putain mais je savais pas que j’étais pauvre. Ca m’a sauté à la gueule lorsque j’ai constaté depuis combien de temps j’avais pas pu partir en vacances. Avant, avec le même salaire, je faisais des tas de trucs. Ca me fait penser à l’histoire de la grenouille qu’on noie dans une eau qu’on chauffe progressivement. Elle ne sent rien. Et se laisse mourir. Je me suis laissé mourir bordel de merde.

Les mesures vont se durcir, car l’appétit de la rentabilité du marché est une gourmandise sans faim et sans fin. Ca ne s’arrête que si on la stoppe, que si on se met en travers. L’acceptation silencieuse et ignorante des gens va dans leur sens. Ils ont pris leurs aises et ne s’arrêteront pas de leur propre chef. On souhaite que l’individu qui nous marche sur le pied s’arrête de lui-même mais il ne le fera que si l’on exprime notre douleur : par un aie, par un coup, par un heur. Par quelque chose bon sang. Chaque soir, devant notre écran, nous attendons que quelqu'un exprime ce "aie". Nous attendons ça de la part de gens que nous prenons pour nos modèles, nos réferents, nos porte parole. Il est temps de nous rendre compte que ceux-ci ne jouent pas pour nous. Il est temps de prendre une inspiration, de remplir d’air nos poumons et de crier très fort. De hurler tous ensemble. Ne pas se laisser bouillir dans la marmite. Wake up.