5.3.03

Désolation

L’autre jour, aux infos, on a pu voir un ministre blâmer un chef de la police, parce qu’il avait organisé un match de rugby entre des jeunes et la police. A la base, la visite devait célébrer la baisse de la criminalité dans cette ville, mais ça s’est transformé en pot de départ du chef de la police, muté je ne sais où en tant que prof de gym. Et le ministre d’humilier ce type, qui pensait être récompensé, en disant devant les caméras que le travail de la police n’est pas de faire joujou avec des voyous, mais de les arrêter, de réprimer.
Ca m’a paru tellement gros, que j’ai cru à une blague, à un montage. Mais c’était bien vrai. Quand j’ai su que c’était vrai, j’avais envie de prendre mon fusil, de partir pour la révolution, pensant que c’était l’heure, que tout le monde serait d’accord pour y aller. Mais tout le monde s’en fout. Et moi, je trouve ça tellement dégueulasse. Joue pas avec les gosses, mets les en taule. Voila le message de sagesse de l'Etat. Maintenant, on ne sous-entend plus ce genre de choses, on le dit clairement, devant les cameras. Et personne ne voit la différence… ya vraiment des lobotomisés, des gros enculés, ici. J’ose même pas imaginer la taille de l'ego de ce type, en tout logique proportionelle à la profonde frustration qui semble transpirer de lui.

Pourtant j'avais un bon a-priori sur cet homme il y a quelques années. Enfin un jeune pas trop vieux qui fait de la politique. Mais voila le zombie maintenant, tel un pitbull en manque de violence il se déchaine et mord les siens. Il a trouvé sa petite importance devant les caméras. Ce type, c’est le mal. C’est comme ça que je le vois. Peut-être que je me trompe et qu’il est adorable, comme il tente de le montrer faussement lors d’interviews, mais je l'imagine plutôt vicelard, aigri, revanchard, frustré, et diablement pauvre dans sa tête, meurtri. A la fin de sa vie, quand il fera le bilan, j’aimerais pas être à sa place. Il aura beau prendre des douches, il puera toujours autant.

Qu'en pensent les gosses ? On leur dit que se détester, se craindre, est préférable à la complicité, au défi ludique d’un match de rugby. Certaines personnes semblent avoir besoin que les gens s'affrontent en vrai plutôt qu'en sport. Car c'est en divisant que les sans-couilles arrivent à sortir leur épingle du jeu, et malheureusement, à régner, pendant qu'on est trop occuppés à s'entre-déchirer.
Certaines personnes semblent avoir besoin que les délinquants restent des délinquants, en faisant en sorte que les flics restent des flics. C'est vrai quoi, des flics qui deviennent éducateurs sportifs, ça veut forcément dire que les délinquants sont en passe de s'en sortir. Ne plus avoir besoin de flic, c'est trop horrible pour les sans-couilles qui nous gouvernent. Car après, qui les défendra quand on en aura marre d'eux ? Et qui les aidera à appliquer leurs lois liberticides ? Qui les aidera à conforter leur pouvoir ?

Certains individus faibles et trop bêtes pour faire quelque chose de leur vie avec franchise et ouverture d'esprit, préfèrent une vie faite de manipulations. On se cache et on exploite les conflits des autres. Ainsi les banquiers et marchands d'armes sont les seuls à encourager tous les camps des guerres. Les "neutres" sont ceux qui sussurent à l'oreille des combattants de se ruer sur les autres. Et en plus il les financent, les arment. Et regardent le spectacle en comptant leurs dollars. Et à la fin, quand tout ce joli monde est affaibli, ils assoient leur autorité, ils démontrent leur importance. Ils exorcisent la frustration issue de leur complexe originel. Cette faiblesse, cette bêtise et cette peur transpirante et innée, n'est plus un handicap. Ils vivent de la mort des autres, car leur seule misérable vie, leur seul misérable corps, ne leur suffisaient pas. Ils sont "neutres", et pourtant ce sont eux, les véritables belligérants.

C'est le même principe pour les religions, qui subsistent de la culpabilité qu'elles impriment à leurs fidèles. Comme si le pape pouvait, lui, être exempt de cette culpabilité en vivant sur un trône en or massif, orné de croix serties de joyaux gros comme le poing. Comme si le christianisme pouvait tolérer le pape, l'inquisition, l'opus dei. Allez venez tous dans MON église, vous êtes coupables, vils et pêchez sans cesse; ne prenez pas de plaisir, ne vous évadez pas et surtout n'avortez pas, ne vous suicidez pas, n'abrégez pas vos souffrance, sinon vous irez en enfer... et accessoirement y'aura moins de monde à la quête c'est pas bon pour le business et les trônes en or. Et puis c'est si bon de vous voir vous prosterner par terre et d'entendre vos confessions. Car on veut tout savoir, tout contrôler. Pouah je peux pas saquer ces types.

Aujourd'hui, on nous dit en démocratie. Or les primates de tous bords qui nous gouvernent nous exaspèrent, années après années. Mais nous sommes trop fatigués pour songer à changer. Comme si le combat était perdu d'avance, comme si le feu révolutionnaire était douché par la déception de non-changement. Les jours de vote, on se murmure tous un "à quoi bon" général. Car on se dit inconsciemment que les dés sont pipés, que ce soit l'un ou l'autre qui soit élu, ce sera pire ou pire. Cette démocratie reste influencée par des élites, par des VIP. Par des gens faibles qui s'allient contre les autres pour trouver cette assurance qui leur fait cruellement défaut par nature. C'est "le maillon faible" grandeur nature, où les plus ignorants s'associent pour éliminer ceux qui respectent les règles, puis finissent par s'entretuer dans un combat absurde. Car il ne peut en rester qu'un.
Alors pour que les gens ne se rendent pas compte de la faiblesse de ceux qui les gouvernent, il faut brouiller les pistes. Pointer du doigt les syndiqués, les étrangers, les jeunes de banlieues. Les mettre en taule le plus tôt possible. Pourquoi pas les pister dès la maternelle, isoler le gêne de la racaille ? Il faut à tout prix des coupables à nos maux. Que les gens aient leurs coupables désignés, ainsi ils ne chercherons plus les vrais salopards.

Jouer au rugby avec eux, ce serait innocenter ces jeunes, montrer que tout cette racaille peut-être autre chose que de la racaille. Ce serait enfin embrasser le principe d'égalité entre les hommes. Ce serait dissocier ce qu'ils font, de ce qu'ils sont : des gosses, et non pas des bêtes violentes. Ce serait prouver que leurs actes ne sont pas dus à ce qu'ils sont, mais sont une réponse aux saloperies que cette société répand. Comme si un jeune ne pouvait pas changer. Comme si nous étions tous blanc comme neige tout au long de notre vie. Comme si on pouvait se résigner à vivre sagement dans des cités poubelles, pendant que les grandes villes deviennent des carrés VIP. Comme si la délinquance était le privilège des pauvres. Comme si on pouvait naitre avec cette idée innée de casser du flic et de bruler des voitures.

Ceux qui ont peur de ce choix, de cette reponsabilité du devenir, choisissent de nous définir à notre naissance. Les flics et les racailles. Les riches et les pauvres. Les aryens et les juifs. Les élus et les serfs. Les bons et les mauvais.
Cette fuite de responsabilité, cette négation du juste cheminement de la vie, révèle leur propre faiblesse, leur minuscule identité, et l'immense frustration qu'elle suscite en eux. Plutôt que de faire leurs preuves, ils vont gruger la vie et martyriser leurs frères. De tous temps, ces gens cherchent et obtiennent le pouvoir sur les hommes, semant la désolation sur leur passage, faisant se perdre le sens de toute vie. Apprenez à les reconnaitre.