25.8.02

Briser la cage

J’aimerais qu’on cesse de vivre dans un monde en carton où tout le monde se tire dessus. J’aimerais qu’on s’aime bordel. N’avez vous pas l’impression de vivre une vaste supercherie ? Est ce que c’est ça la vie ? Ne vous êtes-vous jamais posés la question, pourquoi il y'a des gens qui tuent, qui meurent en s’écrasant volontairement sur un building ? Des bombes humaines qui vont s’exploser dans la foule ? Des jeunes, des vieux, toujours plus nombreux chaque jour qui se suicident ?

Je sais pas si vous vous en rendez compte mais, on n'est pas fait pour ce mode de vie. Mettez un dauphin dans un aquarium et il ne gardera pas très longtemps sa joie de vivre et sa santé mentale. Mettez un oiseau en cage et c’est la même chose. Obligez des gens à vivre dans la pauvreté tout en voyant une minorité s’éclater, créez des murs, des séparations, des cloisonnements, établissez une concurrence, créez des armes de destruction qui leur pendent au nez, faites régner la confusion dans leurs esprits entre leurs actes et leur principes, déjouez les lois de la nature en introduisant le déséquilibre, et vous obtiendrez des individus névrosés, déprimés. Des individus qui rechercheront une échappatoire par des substituts qui leurrent l'esprit, qui imitent l'existence et les émotions auxquelles nous aspirons naturellement, instinctivement. Que ce soit des drogues ou des actes absurdes, ils sont le prolongement d’un mode de vie absurde. Quand notre vie cloche, quand nos convictions sont au placard, ou quand l'amour n'est pas au rendez-vous, on cherche à combler ce vide. Un substitut à notre épanouissement, à notre liberté, et à l'amour qui nous manque. Ou un substitut à la colère inextricable qui nous anime.

Nos corps reconnaissent la supercherie. Ils s'adaptent. Ainsi un toxicomane devra augmenter ses doses toujours plus. Un psychopathe deviendra prisonnier du moyen d'expression qui s'est imposé à lui. Revenir en arrière et la vie perd le peu de sens qui lui restait. Quant au désir de carrière, de statut professionnel, nous en avons besoin pour imiter le sentiment d'accomplissement de soi que la vie devrait nous apporter. Souvent les gens déçus par les relations humaines, qu'ils en soient conscients ou non, ne vivent qu'à travers leur profession, leur patrimoine et le sexe intermittent. Parfois dans l'escalade, car à l'arrêt, sans évolution, on assimile, et la reconnaissance lucide du vide nous traîne en dépression. Il devient impératif de progresser, d'accumuler toujours plus, ou s'essayer à des pratiques toujours plus extrêmes. Sans jamais être heureux. Juste satisfaits par à coups, de temps à autres. Le temps d'un orgasme ou d'un bon chiffre d'affaire. Comme une piquouze dont les effets s'estompent de plus en plus vite à mesure que les doses ont besoin d'être de plus en plus fortes. Cette escalade, cette croissance nécessaire et perpétuelle qui semble régir tous les domaines de nos vies, n'est que la pâle copie de l'infini que nous ressentons en nous et qui nous manque cruellement dans nos vies. Ce que nous recherchons, c'est l'accomplissement par l'amour et non l'enrichissement personnel. La croissance n'est qu'une pale copie de l'infini. Elle ne semble éternelle qu'un moment.

On n'est pas fait pour ce mode de fonctionnement, on le sait. On sait ce que c’est que le bien, on sait ce que c’est que le mal. On peut les identifier, on en a tous au moins une idée assez prononcée. Et miraculeusement nous pouvons aussi identifier que ce que nous faisons, depuis des générations, est mal. C’est ce qui nous caractérise. Nous savons nous remettre en question. Le tout est de le faire jusqu’au bout. Peu de gens y arrivent. C’est trop douloureux. On préfère enfermer sa femme plutôt que de faire des efforts pour la conquérir. On préfère jurer le célibat à vie plutôt que risquer de se faire éconduire. On préfère se déclarer "maudit par avance" plutôt que de tenter le coup. Et au final on se décrète tout de même oeuvre ultime de Dieu, au lieu de reconnaître que nous sommes des tocards irresponsables.

On ne peut pas fuir le monde. Les hôpitaux psychiatriques me font penser à des camps de redressement. Tous les gens qui ont lâché prise et qui ont compris que c’est un monde de merde, se retrouvent enfermés, jusqu’à ce qu’ils acceptent de rejoindre la partie, sous l’emprise de drogues qui endorment la lucidité et aident à supporter l’absurdité, à vivre avec le stress en cachant ses effets. Le moyen le plus radical d’arrêter la drogue, ce n’est pas de prendre de la méthadone jusqu’à la fin de ses jours, mais se décider à enfin arrêter cette merde, en comprenant ce qui nous pousse à la consommer. Soigner les conséquences est nécessaire, mais comprendre les causes est primordial.

N’oubliez jamais qui vous êtes et d’ou vous venez. Nous sommes tous des habitants de la Terre, au même titre que n’importe quel animal. Nous sommes nous-même des animaux. N’écoutez que vous-même, n’écoutez pas les grandes gueules. Je me suis rendu compte il y'a peu que j’avais mes propres opinions, à moi, et qu’elles sont complètement différentes de ce que l’on a pu m’apprendre ou me forcer à croire. Je ne souhaite plus vivre dans cette supercherie. Il est temps de s’enfuir. Je ne jouerai pas à ce jeu. J’arriverai à fuir par un moyen ou un autre.